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Collectif DDH

BULLETIN D’INFORMATION MENSUEL SUR LES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIE

FEVRIER 2020

Au cours du mois de février, le cas d’Osman Kavala, l’homme d’affaires et philanthrope turc, nous a montré encore une fois la situation désespérée des droits de l’Homme en Turquie. Quelques heures après son acquittement, il a été arrêté de nouveau à la demande du parquet d’Istanbul, prêt à le mettre en examen, cette fois-ci pour sa participation présumée au putsch manqué du 15 juillet 2016. Amnesty International a dénoncé cette nouvelle arrestation, jugée « cynique et cruelle ». Selon Emma Sinclair-Webb, la représentante en Turquie de Human Rights Watch, la décision du parquet prouve « une fois de plus à quel point la justice turque est contrôlée par le pouvoir politique ». La Cour européenne des droits de l’Homme avait ordonné sa libération.

Liberté de la Presse et de l’expression

Au mois de février, les pressions contre les journalistes et les médias se sont poursuivis.

L’accès à KHK TV, la chaine de YouTube faisant entendre la voix des victimes en Turquie, a été bloquée sans aucune ordonnance du tribunal.

Le problème de renouvellement des cartes de presse s’est maintenu. En effet, celles-ci provenant de l’autorité liée à l’office du président de la République, pose un problème majeur à la liberté des médias.

Heureusement que la journaliste et écrivaine turque Asli Erdoğan, accusée de propagande par les autorités, a été acquittée.

L’abus d’accusation de terrorisme

L’intimidation du gouvernement contre ses opposants politiques par le biais des accusations arbitraires liées au terrorisme a continué au mois de février.

Dans le cadre des enquêtes policières contre le groupe Güleniste, des centaines de personnes ont fait l’objet d’arrestations et de gardes à vue pour appartenance à une organisation terroriste. Principalement dans les villes d’İstanbul, Izmir, Konya, Balikesir, Ankara, Amasya, Adana, Kayseri, Bursa, Kahramanmaras et Hatay, près de 1 000 personnes, composées d’hommes et de femmes parmi lesquelles des policiers, diplomates, militaires et enseignants révoqués de la fonction publique ainsi que des militaires actifs et des étudiants expulsés des écoles militaires, ont été placées en garde à vue ou en détention.  De même, plus de 30 personnes, dont des militaires révoqués, actifs et retraités ainsi que des étudiants expulsés des écoles militaires, font l’objet de mandats d’arrêt.

Quant aux kurdes, en raison de leur partage sur les réseaux sociaux, 5 personnes ont été placées en garde à vue et plus de 15 autres ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt dans la ville de Batman pour propagande en faveur du PKK. En outre, 6 personnes membres du HDP, parti politique pro-kurde, parmi lesquelles des co-présidents locaux, ont été placées en garde à vue dans la ville de Mersin pour propagande en faveur du PKK/KCK.

Natali Avazyan, opposante turque d’origine arménienne, a été amenée au commissariat de police pour le motif de ses messages critiques au gouvernement dans les réseaux sociaux. Elle a été libérée juste après son témoignage.

Tortures et mauvais traitements en détention, enlèvements

En février 2020, plusieurs plaintes concernant des victimes de mauvais traitements ont été reçues des centres pénitentiaires de Van (type F), Ağrı Patnos (type L), Diyarbakır (femmes et type T), Trabzon Beşikdüzü (type T), İstanbul Bakırköy (femmes), Eskişehir (type H), İskenderun (type T), Tekirdağ (type T), Kayseri (type T), Elazığ (type T et E), Rize (type L), Samsun Bafra (type T), Edirne (type F), Balıkesir Bandırma, Osmaniye (type T), Gümüşhane (type E), Tarsus (femmes), Afyon (type T), Bünyan, Silivri (type L), Bursa (type H) et İzmir Şakran (femmes).

Plusieurs demandes de visite de la part des sœurs d’Abdullah Öcalan, leader du PKK, ont été rejetées pour la 56ème fois par le bureau du procureur.

Membre de Grup Yorum (groupe de musique) M. İbrahim Gökçek a été libéré après 252 jours de grève de la faim. D’autre part, huit avocats, y compris M. Selçuk Kozağaçlı, président de l’Association des juristes contemporains (Çağdaş Hukukçular Derneği), ont commencé la grève de la faim, dans la prison.

Durant la première audition de Mme Remziye Yaşar (du parti HDP), co-maire de Yüksekova (Hakkari), un des témoins a déclaré qu’il avait subi de la torture durant la garde à vue et qu’il avait été forcé de signer un papier vierge.

M. le Député Gergerlioğlu a notifié que Yusuf Bilge Tunç, enlevé le 6 août 2019, est toujours porté disparu.

Conflit kurde et répression de l’opposition

Les camions transportant des colis d’aides envoyés par les organisations du parti de HDP à Muğla et à Malatya pour les victimes du tremblement de terre à Elazığ n’ont pas été autorisés à entrer dans la ville par la Préfecture d’Elazığ. De la même manière, des colis d’aides organisés par le HDP pour les victimes du séisme à Van n’ont pas été autorisés.

Les bus venant du district de Van à destination de la 4ème assemblée générale du HDP à Ankara ont été arrêtés par la police. Durant l’assemblée générale, 13 personnes ont été arrêtées pour des raisons diverses.

Ancien député kurde, M. Mahmut Alınak a été arrêté pour avoir été membre d’une organisation terroriste.

Les lettres, livres et magazines en langue kurde déposés pour les détenus par leurs proches n’ont pas été acceptés par la direction du centre pénitentiaire d’Izmir Şakran (type T), sous prétexte d’être dans « une langue inconnue ».

Dans les villes de Hakkari, de Van, d’Urfa et de Gaziantep, situées dans le sud-est de la Turquie, toutes les manifestations ont été interdites par les décrets des préfectures respectives.

Vefa Salman, maire de Yalova (du parti CHP) a été démis de ses fonctions. Il a été remplacé par un membre du conseil municipal du parti AKP.

Liberté de réunion

Au cours du mois de février, les manifestations pour le motif de reprendre leur travail et de protester contre les KHK (décrets-lois) ont été empêchées par la police à Ankara et à İzmir.

De la même manière, la police est intervenue plusieurs fois lors de la manifestation de Cemal Yıldırım (limogé par les décrets-loi) et de Melek Çetinkaya (mère d’un cadet condamné à la perpétuité) à Ankara. Ils ont été mis en garde à vue.

Le communiqué de presse « des mères du samedi », se réunissant depuis 24 ans à Istanbul, a été bloqué par la police.

Les réfugiés en Turquie

Le gouvernement turc continue de priver les réfugiés de leurs droits fondamentaux et de jouer avec la vie de ces personnes dans le cadre de sa politique étrangère.

Le 27 février 2020, le gouvernement a annoncé que la Turquie ne pouvait plus maintenir les réfugiés sur son territoire et que les frontières seraient ouvertes pour les passages vers la Grèce. Ainsi, près de 160 personnes se sont dirigées vers l’île de Lesbos en Grèce.