Billion: il y a un recul des libertés individuelles et collectives en Turquie
Commentaires de Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) interrogé par Sputnik France, concernant l’État de droit en Turquie après le coup d’État raté de juillet 2016:
Sputnik France: Partagez-vous l’analyse qu’a faite Emmanuel Macron devant le conseil de l’Europe, affirmant qu’il y a un recul de l’État de droit en Turquie? Est-ce toujours aussi dramatique qu’après le coup d’État de juillet 2016?
«C’est incontestable. Suite à la tentative de coup d’État en 2016, il y a eu un recul des libertés individuelles et collectives. Que le président d’Erdogan et son gouvernement aient arrêté ceux qu’ils considéraient comme les commanditaires de ce coup d’État, pour ma part, je trouve qu’il y a là une forme de normalité: quand on est attaqué, on se défend. Cependant, le gouvernement, à ce moment-là, a ratissé très large. Des hommes et des femmes ont été arrêtés, sans qu’il y ait le moindre élément de preuve à leur encontre, et qui d’ailleurs pour certains d’entre eux, n’ont toujours pas été libérés.
On peut également constater qu’au niveau de la liberté d’expression, notamment de la liberté de la presse, de nombreux journalistes ont été arrêtés, sans que là non plus les charges ne soient avérées et que pour une partie d’entre eux, ils n’ont pas encore été libérés. Dans un État de droit, on essaye de constituer des preuves avant d’arrêter quelqu’un, et là, c’est le contraire qui s’est produit. De ce point de vue, il y a un recul de l’État de droit dans ce pays. Pour autant, je n’ai jamais été de ceux qui considèrent que la Turquie est une dictature. Il y a deux ans, un grand hebdomadaire français titrait en Une “Le dictateur” avec une photo d’Erdogan, et je ne partage pas ce point de vue. Preuve en est qu’il y a eu des élections municipales au printemps dernier et les deux plus grandes villes de Turquie ont été remportées par l’opposition. C’est bien la preuve tangible que ce n’est pas une dictature. Force est de constater, cela dit, que quand Macron affirme qu’il y a un recul de l’État de droit, qu’il est dans le vrai.»